
La RPDC (République populaire démocratique de Corée) a surpris le monde en regrettant les victimes japonaises des séismes de janvier 2024, puis en proposant de réfléchir à une rencontre Corée du Nord-Japon. Alors que les relations avec la Corée du Sud se sont dégradées ces dernières années, Kim Jong-un serait-il vraiment prêt à accepter l’invitation de Fumio Kishida à le rencontrer ? Nous faisons le point.
Rappel du contexte tendu avec la RPDC
Depuis l’élection du président conservateur Yoon Suk-yeol (윤석열) et sa politique très dure contre la Corée du Nord, les tensions diplomatiques se sont tendues et les menaces militaires se sont multipliées. Nord comme Sud ont ainsi abandonné leur engagement de plusieurs décennies en faveur d’une relation apaisante entre les pays coréens. Au regard de ce qu’il se passe ces deux dernières années, les images de rencontres pacifiques entre chefs d’État semblent appartenir à un autre temps : 3 rencontres avec Moon Jae-in (en 2018) et 3 rencontres avec Donald Trump (en 2018 et 2019).

Aujourd’hui, Pyongyang (평양) lance des missiles pour des essais balistiques et même un satellite « espion » en orbite. Aussi, le pays mène des exercices militaires réels et fictifs. Des actions menées essentiellement en réponse aux menaces et demandes de dénucléarisation, aux exercices militaires coréano-américaines et à l’entente trilatérale Corée du Sud, États-Unis, Japon. Rappelons aussi que la Corée du Nord fait l’objet de sanctions internationales qui n’aident pas à la bonne entente, qu’elles soient méritées ou non.
Dans ce contexte très tendu, le Premier ministre japonais Fumio Kishida lance des appels à rencontrer Kim Jong-un (김정은). S’agit-il d’appels par crainte ou d’une véritable volonté de nouer des liens pacifiques ?
Les appels de Kishida à rencontrer Kim
2022 : prêt au dialogue
Le mardi 20 septembre 2022, le Premier ministre japonais déclarait dans un discours à la tribune de l’ONU être « prêt au dialogue sur des questions d’intérêt commun » avec la RPDC. Il dit même être « déterminé à rencontrer Kim Jong-un sans condition ». Selon RTBF (21/09/2022), ces déclarations interviennent après l’adoption d’une loi en Corée du Nord qui déclare que Pyongyang est prêt à effectuer des frappes nucléaires préventives, même contre des attaques conventionnelles.

2023 : sans condition
Presque à date anniversaire, le 15 septembre 2023, Fumio Kishida réitère son souhait de rencontrer Kim Jong-un, encore une fois « sans conditions préalables », selon le porte-parole Hirokazu Matsuno. Ce dernier ajoute « nous aimerions organiser des discussions de haut niveau sous le contrôle direct du Premier ministre afin de parvenir à une rencontre au sommet dès que possible ».
2024 : retour des enlevés
Plus récemment le 30 janvier 2024, le Premier ministre japonais déclare de nouveau dans un discours lors d’une session parlementaire :
« Je mènerai des pourparlers de haut niveau directement sous mon contrôle afin d’organiser une réunion au sommet avec le président KIM Jong-un ».
Cette intention de rencontre est stimulée par le fait « d’assurer le retour au Japon de toutes les personnes enlevées […], de faire franchir une nouvelle étape aux relations nippo-nord-coréennes et de résoudre divers problèmes avec la Corée du Nord ».

La Corée du Nord prête à accueillir le Japon ?
2024 a commencé sur une mauvaise note pour le Japon. Les séismes de Noto ont fait de nombreuses victimes, le bilan au 2 février fait état de 238 morts, 19 disparus et 1 287 blessés.

Kim Jong-un étonne tout le monde
Quelques jours après le premier séisme, le vendredi 5 janvier, le chef d’État Kim Jong-un envoie un message de condoléances à Fumio Kishia en s’adressant à « Votre Excellence ». Les messages sont extrêmement rares et une telle marque de respect l’est davantage. Le dirigeant nord-coréen y exprime son « souhait sincère que les personnes des régions sinistrées puissent éradiquer les conséquences des tremblements de terre et retourner au plus vite à une vie stable » (KCNA, agence de presse nord-coréenne). Est-ce une brèche salvatrice pour les relations bilatérales entre RPDC et Japon ?
La déclaration surprenante de Kim Yo-jong
Le 15 février, c’est au tour de Kim Yo-jong (김여정), sœur de Kim Jong-un, de surprendre le monde entier. Pour réponse au dernier appel à la rencontre de Fumio Kishida du 30 janvier, elle déclare que la RPDC était prête à améliorer ses relations avec le Japon. Selon la KCNA, Kim Yo-jong ajoute « ne pas penser qu’il y ait la moindre raison de ne pas considérer son récent discours comme quelque chose de positif ». Mais précise que le Japon doit « se libérer hardiment des entraves du passé », en référence au problème rappelé par Kishida concernant les enlèvements de 17 Japonais entre les années 1970 et 1980.

La sœur influente de Kim Jong-un insiste aussi sur le fait que cette invitation est valable à la condition que le Japon « abandonne sa mauvaise habitude d’attaquer déraisonnablement la RPDC sur son droit légitime d’autodéfense ». La porte n’est pas fermée, mais pas si facile à ouvrir.
De l’importance du dialogue avec Pyongyang
Ce 16 février, un porte-parole du département d’État de Washington déclare à Yonhap « nous avons été très clairs concernant l’importance du dialogue et de la diplomatie avec la RPDC ». En effet, on peut estimer que « Isolation is a bigger ennemy than the ennemy » comme le titrait Korea JoongAng Daily le jour même dans un article. Cependant, Fumio Kishida voudra-t-il vraiment ne pas aborder la question des enlèvements pour obtenir une entrevue avec Kim Jong-un ?
Sa popularité est malmenée depuis quelque temps. Le Premier ministre japonais semble espérer pouvoir ramener plusieurs, voire les 12 prisonniers restant détenus par Pyongyang afin de redorer son image publique en baisse. Alors, assumera-t-il sa proposition de rencontre « sans condition » jusqu’au bout ? Ou cette demande de rencontre n’est qu’un outil à des fins politiques ?
Espoir réaliste d’une rencontre Kim-Kishida ?
Impossible de savoir ce qui se trame dans la tête de Kim Jong-un et de Fumio Kishida. Toujours est-il que cette possible rencontre, dans un contexte aussi tendu, est un bol d’air frais, une véritable espérance pour un apaisement dans la zone. Et contre toute attente, cette rencontre semble réaliste selon NHK World-Japan : « la Corée du Nord pourrait étudier l’approche que Tokyo adoptera à l’égard de Pyongyang ».
Mais il est aussi fort probable que ces déclarations (japonaises et nord-coréennes) restent dans une impasse. Le Japon acceptera-t-il d’oublier, au moins temporairement, les enlèvements ? La Corée du Nord est-elle sincère et est-elle prête à mettre de côté le passé colonial du Japon et ses crimes ? Il est aussi possible que la RPDC tente de mettre à mal la tentative de la Corée du Sud, des États-Unis et du Japon à s’unir pour de bon. Néanmoins, même dans les pires moments, le dialogue est, plus souvent qu’on peut le croire, une source de paix. Alors on peut toujours espérer.
Sources : Ambassade du Japon en France, Financial Times, Korea JoongAng Daily, Le Figaro, RTBF, Yonhap
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