
Le 20 février dernier, un mouvement de démissions chez les médecins résidents et les internes avait débuté en Corée du Sud pour manifester contre le projet de réforme du président Yoon Suk-yeol. Le point essentiellement critiqué de la réforme est l’augmentation du quota d’admission de nouveaux étudiants en médecine dans les universités du pays. Le but avoué étant de réduire les déserts médicaux et le manque de main‑d’œuvre dans certaines disciplines essentielles, comme la médecine générale ou la chirurgie interne. Aujourd’hui encore, les 12 000 médecins résidents et internes en grève ne sont toujours pas retournés à leur poste.
Nous avions fait un premier point sur cette crise médicale coréenne le 16 mars dernier. Ce nouveau bilan vous permettra de suivre l’évolution d’une situation critique où peut se jouer l’avenir médical de la Corée du Sud.
Sommaire
- Point sur les quatre piliers de la réforme médicale de Yoon
- Les appels au dialogue
- Le gouvernement veut aller jusqu’au bout
- Le gouvernement accepte-t-il de réduire le quota ?
- Le gouvernement refuse d’annuler le plan
- Lancement du comité présidentiel sur la réforme médicale
Point sur les quatre piliers de la réforme médicale de Yoon
La réforme médicale est qualifiée de « sauvetage d’urgence d’un écosystème médical essentiel » dans le rapport Package de la politique essentielle des soins de santé du ministère de la Santé et daté de février 2024. Ce rapport met en avant un contexte médical jugé « injuste ». Pour rétablir cette « injustice », la réforme médicale coréenne se base sur quatre piliers (quatre chantiers).

Expansion du personnel médical (의료인력 확충)
Pour faire face au déficit actuel et futur (prévision d’un déficit de 15 000 médecins en 2035) et aux diverses implications que cela entraîne. Le quota de 3 058 nouveaux étudiants chaque année existe depuis 19 ans. La réforme prévoyait en février de l’augmenter de 2 000 places pour atteindre 5 058 places à partir de 2025 tout en améliorant la qualité de la formation. Sont aussi prévues la transformation des hôpitaux spécialisés ainsi que l’innovation dans l’exploitation et la gestion des ressources humaines.
Renforcer les soins médicaux locaux (지역의료 강화)
Cet axe vise à améliorer le système de prestation et favoriser les soins médicaux locaux par :
- la mise en place d’un système de prestation fonctionnel axé sur la demande et le renforcement des réseaux de soins essentiels ;
- la garantie d’une main‑d’œuvre stable, l’accroissement des investissements et la minimisation des sorties de ressources.
Mise en place d’un filet de sécurité contre les accidents médicaux (의료사고 안전망 구축)
Le gouvernement souhaite :
- Introduire une législation spéciale visant à garantir les droits des patients. Elle inclura des sanctions pénales afin de réduire le fardeau des litiges civils et des indemnités élevées, reposant sur le système d’assurance et de déductions.
- Instaurer un système de compensation efficace pour les victimes, favorisant la communication et les accords entre les professionnels de la santé et les victimes avant les poursuites judiciaires. Cela permettrait de réduire au minimum les litiges inutiles tout en garantissant des réparations rapides et adéquates dans un esprit de courtoisie.
Améliorer l’équité du système de rémunération (보상체계 공정성 제고)
Le président Yoon et son gouvernement envisagent des réformes majeures pour garantir une compensation équitable et adéquate. Cela comprend des augmentations ciblées des tarifs pour les soins essentiels, une gestion renforcée des soins non remboursables et esthétiques, ainsi que des ajustements réguliers des valeurs relatives.
De plus, des mesures seront prises pour améliorer les soins pédiatriques, les urgences graves et encourager la collaboration régionale pour l’innovation médicale.
Maintenant que nous en savons un peu plus sur cette réforme, voyons l’évolution de la situation entre le gouvernement et les médecins grévistes.
💡 Les mouvements de grève du personnel du corps médical sont interdits en Corée du Sud. C’est pourquoi les médecins ont recours à la démission pour manifester leur désaccord. Les démissions ne sont pas encore acceptées, mais les médecins « grévistes » ne se présentent pas à leur poste.
Les appels au dialogue
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement sud-coréen tente d’établir un dialogue avec les médecins sans y parvenir. Le 15 avril 2024, le ministre de la Santé Cho Kyoo-hong a réitéré sa proposition de rencontre afin d’ouvrir le dialogue en vue de négociations. Les centres hospitaliers sont en situation très tendue depuis février et le gouvernement souhaite vivement le retour des résidents et internes à leur poste.

Lors d’une réunion, le ministre de la Santé Cho Kyoo-hong, a rappelé que « Les quatre chantiers de la réforme médicale, y compris l’augmentation du personnel médical, sont des préconditions pour raviver les disciplines médicales essentielles et les systèmes de soins dans les régions rurales ». Il a également partagé son inquiétude au sujet du calendrier des admissions universitaires 2025, « le temps commence à manquer ».
Le gouvernement veut aller jusqu’au bout
Le lendemain, mardi 16 avril, le président Yoon Suk-yeo a affirmé qu’il poursuivra ses efforts pour la réforme médicale. Le jeudi suivant, Cho Kyoo-hong a réaffirmé son engagement à mener à bien la réforme médicale gouvernementale, malgré la grève prolongée des internes et résidents.
« La réforme médicale est essentielle pour protéger la vie et la santé du peuple, améliorer les services médicaux locaux et essentiels, et se préparer à la demande future ». « Nous projetons de réunir les opinions raisonnables des différents secteurs et de mener la réforme résolument » (propos du ministre de la Santé le 18 avril rapportés par Yonhap).
Les affirmations dans cet engagement peuvent étonner les médias ayant prédit que la réforme tomberait à l’eau suite à l’écrasante défaite du parti au pouvoir lors des élections législatives 2024. D’ailleurs, le 16 avril des députés du Parti démocrate (opposition) ont fait une demande de rencontre entre le président Yoon Suk-yeol et Lee Jae-myung, le chef du PD pour résoudre le problème du quota d’étudiants en médecine.

Le gouvernement accepte-t-il de réduire le quota ?
Dans la matinée du 19 avril, les présidents des universités nationales ont proposé d’avoir le droit d’ajuster le nouveau quota de la réforme. Ils pourraient ainsi réduire jusqu’à 50 % les nouvelles places attribuées à chaque université, mais uniquement pour 2025. Cela leur permettrait de s’adapter selon la capacité d’accueil de chaque faculté de médecine.
En milieu d’après-midi, le Premier ministre Han Duck-soo avait annoncé l’acceptation de cette proposition par le gouvernement. Ce qui semble être un compromis ne plaît toujours pas aux médecins en formation qui ont fermement réagi à cette proposition. Ils n’acceptent toujours pas la réforme médicale.

D’ailleurs, dimanche 21 avril, des membres du Korean Association of Medical Colleges (KAMC) ont appelé le gouvernement à maintenir inchangé le quota d’admissions de 2025. Ils ont déclaré que « Les quotas d’admissions dans les écoles de médecine pour 2025 doivent être gelés et un organe consultatif doit être formé avec la communauté médicale dans un futur proche afin d’établir les quotas pour 2026 et au-delà d’une manière scientifique ».
Le gouvernement refuse d’annuler le plan
Lundi 22 avril, le ministre de la Santé a affirmé que le gouvernement ne prévoyait pas de reconsidérer son intention d’augmenter les quotas d’inscription dans les écoles de médecine. Il a réaffirmé la détermination du gouvernement à poursuivre la réforme médicale malgré l’opposition significative des médecins.
En effet, les praticiens répètent inlassablement que l’augmentation projetée des quotas risque de nuire à la qualité de l’éducation et des soins médicaux, et de créer un excédent de professionnels de santé. Ils estiment que le gouvernement devrait plutôt se concentrer sur des mesures visant à les protéger contre les poursuites judiciaires et à accroître leurs rémunérations pour encourager leur engagement dans des domaines de pratique considérés comme moins attractifs.
Pour ouvrir le dialogue, le ministre de la Santé a encouragé les organisations médicales à participer au nouveau comité présidentiel spécial sur la réforme médicale, qui doit se constituer dans la semaine. Cependant, l’Association médicale coréenne (KMA) et l’Association coréenne des internes et résidents (KIRA) ont déjà annoncé leur intention de boycotter ce plan.
Lancement du comité présidentiel sur la réforme médicale
Un comité présidentiel spécial sur la réforme médicale a été lancé jeudi 25 avril pour résoudre la grève prolongée des médecins qui perturbe les services de santé publique depuis plus de deux mois. Cependant, la participation des représentants médicaux et des médecins en formation reste incertaine, ces derniers campent sur leur position d’une révision complète du plan d’admission dans les facultés de médecine.

Constitution et rôle du comité présidentiel
Le comité, dirigé par Noh Yun-hong, est constitué de 20 spécialistes du domaine privé, sélectionnés sur recommandation de 10 organisations médicales, cinq groupes de défense des droits des patients, et de hauts responsables de six agences gouvernementales. Malgré cela, la KMA et la KIRAcontinuent de boycotter le comité.
Ce rassemblement sur la réforme médicale vise à résoudre la grève prolongée des médecins et à améliorer les services de santé. Le comité s’est engagé à renforcer les services médicaux essentiels, à revitaliser les services médicaux régionaux et à répondre au vieillissement de la population. Pour ce faire, il compte discuter notamment de :
- l’amélioration des conditions de travail des médecins en formation ;
- la rémunération des spécialistes des secteurs cruciaux ;
- l’augmentation des compensations financières pour les traitements médicaux et les patients gravement malades ;
- la normalisation des transferts entre hôpitaux ;
- et de la formation des médecins spécialistes.
Bien que l’Association médicale coréenne et l’Association coréenne des internes et résidents boycottent le comité, celui-ci souhaite la participation active des médecins en formation, des organisations médicales et des parties prenantes pour partager des idées et trouver des solutions.
Résultat de la première réunion

Lors de la première réunion du comité spécial, Noh Yun-hong a insisté sur l’urgence de la réforme médicale, affirmant que cette tâche ne peut être différée. Il a souligné l’importance de réduire les disparités en dialoguant avec toutes les parties impliquées et en mettant en lumière les conflits et les questions. Noh a exprimé le souhait de voir la participation active des médecins en formation, des organisations médicales et de toutes les parties concernées par la réforme, afin de partager des idées et de trouver des solutions ensemble.
Le bras de fer entre le gouvernement et les médecins grévistes semble s’éterniser. Alors que le gouvernement semble aller dans le sens des médecins en écoutant leurs réclamations au sujet des rémunérations et de leurs conditions de travail, par exemple, les médecins en formation continuent de s’opposer sans intransigeance. La future et première rencontre entre le président Yoon et le chef du Parti démocrate Lee Jae-myung fera-t-elle avancer ce problème épineux ?
Sources :
- (consulté le 26/04/2024). 의료개혁 4대 과제 (Les quatre défis de la réforme de la santé). Ministère de la Santé et du Bien-être social de Corée du Sud.
- Jin Sang-in. 06/02/2024. ‘의사인력 확대 방안’ 긴급 브리핑 (Briefing d’urgence sur le « Plan d’augmentation des effectifs médicaux »). Ministère de la Santé et du Bien-être social de Corée du Sud.
- Yonhap News.
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