
Comme de nombreux pays, la Corée du Sud fait face à un nombre insuffisant de diplômés d’études supérieures, voire à une baisse du nombre de diplômés. Cela est dû au vieillissement de la population ; lequel ira en s’empirant à cause d’un taux de natalité trop faible et d’une démographie en décroissance. Pour surmonter ce défi, la Corée du Sud se dote d’un plan gouvernemental pour attirer davantage d’étudiants étrangers. L’objectif est d’unir les efforts du gouvernement central, des gouvernements régionaux, des universités et des entreprises pour attirer 300 000 étudiants étrangers chaque année d’ici 2027 et les aider à tracer leur cheminement de carrière en Corée.
Nous faisons le point sur le Study Korea 300K Project (유학생 30만명 유치).
Résumé du plan de la Corée pour attirer 300 000 étudiants
Selon le blog officiel du ministère de l’Éducation de Corée du Sud, le but est de « faire un bond en avant pour devenir l’un des 10 meilleurs centres d’études à l’étranger dans le monde ». Actuellement, le pays est classé 13e derrière la Chine et le Japon. Pour y parvenir, la Corée du Sud vise, entre autres :
- le développement innovant de la passerelle pour attirer les étudiants internationaux ;
- l’abaissement des exigences en compétences de la langue coréenne ;
- le renforcement de l’étude de la langue et de la culture coréenne ;
- la multiplication de cours en anglais ;
- l’élaboration de stratégies adaptées localement pour attirer les étudiants étrangers nécessaires aux industries locales ;
- à attirer des étudiants de premier plan dans les hautes technologies et les nouvelles industries.
Pour le ministre de l’Éducation nationale de Corée, Lee Ju-ho : « Nous nous attendons à ce que le projet stimule l’économie régionale et améliore la compétitivité mondiale des universités et des industries de haute technologie du pays. » (relaté dans The Korea Times).

Pourquoi ce plan est-il si important ?
Plusieurs dimensions sont à prendre en compte pour comprendre l’enjeu d’un tel plan de séduction pour attirer des étudiants étrangers.
Projection démographique mauvaise
Tout d’abord, la Corée du Sud se retrouve en face d’un challenge compliqué : une projection démographique négative. Non seulement il y a vieillissement de la population, mais celle-ci continue de baisser pour la deuxième année consécutive à cause d’un taux de natalité trop faible. Les conséquences sont nombreuses, notamment celle d’une pénurie grandissante de mains‑d’œuvre et celle d’une perte de compétitivité face à la concurrence mondiale. Et cette concurrence concerne aussi les universités.
Pénurie d’inscriptions dans les universités
Selon le journal The JoongAng (중앙일보), les étudiants coréens ne peuvent pas remplir à eux seuls tout le quota universitaire. Et la projection dans le futur est plutôt mauvaise : il manquerait 110 000 lycéens coréens chaque année pour remplir les amphis des facs de la Corée du Sud. La démographie inquiétante dans les années à venir ne réglera pas le problème. L’apport d’étudiants étrangers est nécessaire pour répondre aux différents besoins de la nation coréenne.
Perte de vitesse dans la compétition mondiale
Pour attirer les étudiants les plus intéressants, les universités doivent séduire. Mais elles ne sont pas les seules à jouer un rôle important. Les visas octroyés doivent être profitables et permettre de travailler le temps nécessaire pour subvenir aux besoins des étudiants : coût de la vie, stages d’études, etc.
La vie après les études est en effet à considérer, car la fuite des cerveaux concerne autant les natifs que les étudiants étrangers. En cause, pour l’immigration, les visas actuels limitent les possibilités de travailler et l’obtention d’une naturalisation est longue et fastidieuse, même pour les jeunes diplômés d’études supérieures. Or, la Corée du Sud a un besoin constant et grandissant de têtes bien faites pour soutenir son économie et ses projets technologiques et scientifiques, et faire face à la concurrence internationale.
Le plan d’amélioration de la compétitivité de l’éducation des étudiants internationaux vise à améliorer ces nombreux points.
Les évolutions visées par le plan pour attirer 300 000 étudiants
Passer de 167 000 étudiants en 2022 à 300 000 étudiants chaque année à partir de 2027 nécessite de nombreuses évolutions. En voici les principales.

Révision du système d’accession aux études
Le système d’accession aux universités coréennes pour les étrangers est dans le collimateur. Bien que le système de certification actuel stipule que plus de 30 % du total des étudiants de première année doivent avoir le niveau TOPIK 3 (ou 2 sous certaines conditions), il n’est pas rare que les universités réclament un niveau TOPIK 4 ou supérieur. Or, même le niveau 3 requiert déjà un bon nombre d’heures d’étude de la langue coréenne, donc un très bon niveau.
La révision de ces obligations est une étape importante du ministère de l’Éducation pour attirer les étudiants internationaux. Mais, la maîtrise de la langue coréenne reste une nécessité évidente.
Renforcement des cours de coréen
C’est la raison pour laquelle le ministère de l’Éducation de Corée du Sud a prévu de renforcer l’enseignement de la langue et de la culture coréenne. Il compte créer un centre d’attraction des étudiants internationaux dans les centres d’éducation coréenne à l’étranger.
Cet enjeu est crucial, car pour le moment les cours assurés en anglais sont trop peu nombreux. Pire, certains cours censés être en anglais se déroulent en réalité en coréen. Un effort est donc prévu pour proposer davantage de cours en anglais. Peut-être que le ministère de l’Éducation fera aussi l’effort de proposer du personnel maîtrisant l’anglais dans les instituts internationaux.
Augmentation du quota de boursiers
Il est prévu que le gouvernement sud-coréen étende les bourses d’étude. En 2027, 6 000 étudiants étrangers devraient pouvoir profiter du Global Korea Scholarship contre 4 543 en 2022. Parmi ces 6 000 attributions de bourse universitaire, 2 700 étudiants en science, technologie, ingénierie ou mathématiques devraient en bénéficier, contre 1 355 en 2022.
Certains pays sont visés
Il semblerait que ces quotas devraient être à la faveur d’étudiants venant d’une sélection de pays, comme la Pologne (connue pour son industrie de l’aérospatiale et de la défense) ou les Émirats arabes unis (qui possède un important secteur de l’énergie nucléaire). L’Inde semble être aussi visée, certainement pour son appétence aux sciences de l’information et aux mathématiques, mais ce n’est que supposition.
Révision des visas d’études et de travail
Un partenariat avec le ministère de la Justice est prévu pour revoir le visa et leur obtention. Beaucoup trop de barrières existent et les visas actuels ne sont pas toujours adaptés pour la vie des étudiants (travail, stage…). Or, comme le souligne le porte-parole de l’université de Gangwon : « Nos étudiants internationaux travaillent dans les entreprises locales de produits alimentaires et de fruits de mer et contribuent à la société locale ».
C’est pour quoi le gouvernement mettra en œuvre un programme accéléré permettant aux candidats d’obtenir la résidence permanente ou devenir citoyen naturalisé plus rapidement (3 ans au lieu de 6 ans). Mais à condition d’avoir obtenu un diplôme d’étude supérieure (master ou doctorat) dans des domaines scientifiques ou technologiques clés.
Attirer les étudiants étrangers, un objectif qui a le vent en poupe
De nombreux pays font face aux mêmes interrogations et à des enjeux similaires. Le plan de la Corée du Sud pour attirer toujours plus d’étudiants étrangers n’est donc pas inédit. Le Royaume-Uni désire attirer 600 000 étudiants étrangers par an d’ici 2030. La France cherche à simplifier l’obtention d’un visa étudiant pour attirer 500 000 étudiants d’ici 2027. Le Japon souhaite accueillir 400 000 étudiants d’ici 2033.
De toute façon, par la force des choses, certaines universités coréennes accueillent déjà majoritairement des étrangers. C’est le cas de l’université de Gangwon qui comptabilisait en 2022 400 étudiants étrangers sur ses 810 étudiants. Autre exemple, l’université de Sehan où 91,9 % des étudiants diplômés étaient des étrangers. En 2022, 15 écoles d’études supérieures détenaient une majorité d’étudiants étrangers. Ce plan est donc une aubaine pour toutes les universités, notamment provinciales, qui peinent à remplir leurs quotas. Il répond à des besoins réels et pressants.
Sources : Blog officiel du ministère de l’Éducation de Corée, KBS World, Korea JoongAng Daily, 중앙일보, The Korea Herald, The Korea Times
Laisser un commentaire