L’essentiel à connaître sur le mariage gay en Corée du Sud

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mariage gay en corée du sud
©La Corée en Lumière

La France a légalisé le mariage entre personnes de même sexe en 2013 avec la loi dite « Mariage pour tous ». C’est une évolution considérable, car cette loi permet aux homosexuels mariés d’accéder à des droits (comme adopter des enfants) et des protections juridiques (comme le droit de séjour pour les conjoints étrangers). En revanche, le mariage gay en Corée du Sud a encore du chemin à faire. Découvrez l’essentiel à connaître sur ce sujet brûlant d’amour et de haine.

Le mariage gay en Corée du Sud est-il légal ?

En Corée du Sud, en 2023, le mariage entre personnes de même sexe n’est pas légal. La législation actuelle n’autorise pas l’enregistrement officiel d’un mariage homosexuel. Cela signifie que les couples homosexuels ne peuvent pas être unis civilement ni bénéficier des mêmes droits et protections juridiques que les couples hétérosexuels mariés.

Cependant, un couple homosexuel peut célébrer son union avec familles et amis. On pourrait qualifier cela de « mariage symbolique ». Ces couples « mariés » ne le sont pas au regard de la loi, mais au regard de la société. C’est ce qui est arrivé, par exemple, à So Sung-uk et Kim Yong-mi en 2019 après avoir vécu ensemble depuis 2013.

Nous reparlerons de ce couple plus bas, car il a fait la une des journaux en février 2023.

Les droits LGBT en Corée du Sud

manifestation pour les droits des LGBT à Seoul

La Corée du Sud réserve un accueil encore bien mitigé à la communauté LGBT (version longue : LGBTQIA+ pour lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers et intersexes). Les droits des personnes LGBT ne sont tout simplement pas reconnus officiellement. Bien que la Constitution sud-coréenne prévoie de protéger chaque citoyen, aucun droit spécifique de protection, comme contre la discrimination par exemple, n’est accordé aux personnes de cette communauté. Voici un rapide panorama des droits LGBT en Corée.

L’homosexualité est légale en Corée du Sud

L’homosexualité est parfaitement légale. Aucune interdiction ni aucun délit pénal n’existe dans le droit civil coréen. Nous verrons plus bas que le code militaire est différent sur ce sujet.

La chirurgie de réattribution sexuelle

Ce type d’intervention chirurgicale, appelée aussi « chirurgie de réassignation sexuelle » (CRS), est tout à fait légale en Corée. Les personnes ainsi opérées peuvent changer légalement de genre sur les documents d’identités à condition d’en faire la demande auprès des tribunaux. Les transgenres sont donc en quelque sorte mieux reconnus que les homosexuels, mais il y a parfois des limites.

Notez cependant que malgré les progrès dans ce domaine, les Coréens trans n’ayant pas subi de chirurgie ne peuvent mettre à jour leur sexe légal. Notez aussi que les contreparties exigées aux transgenres peuvent être difficiles à accepter, comme la suppression de la capacité de reproduction.

La protection contre la discrimination et les LGBT

Aucune protection distinctive n’existe contre la discrimination en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre en Corée du Sud. De ce fait, les personnes LGBT font face à de nombreux défis dans les écoles, mais aussi dans le milieu professionnel : ostracisme et isolement (왕따, wangta), discrimination et violence.

Depuis plusieurs années, cependant, des propositions de loi ont été rédigées pour prohiber toutes formes de discriminations, dont le harcèlement sexuel, contre les personnes homosexuelles. Tout n’est donc pas sombre, la machine est en marche. Certes, lentement, mais en marche quand même. Les auteurs d’agressions envers les personnes LGBT ne seront pas toujours insuffisamment punies.

LGBT et service militaire en Corée

L’armée et le droit militaire se démarquent d’autant plus de la vie civile.

Primo, aux yeux de la loi, un homme homosexuel reste considéré comme un homme à part entière. De ce fait, tous les hommes coréens, quel que soit leur orientation sexuelle ou leur sentiment d’appartenance au sexe féminin, sont dans l’obligation d’exercer leur devoir citoyen qu’est le service militaire.

Secundo, les relations homosexuelles, en interne comme en externe, sont considérées comme un délit pénal dans le code militaire sud-coréen. L’inculpation pour ce type de délit peut entraîner jusqu’à deux ans de prison.

Byun Hui-su soldate sud-coréenne
Byun Hui-su soldate sud-coréenne (Naver news)

Je rajoute aussi que le changement de genre n’est pas encore accepté par le droit militaire, contrairement au droit civil. C’est pourquoi le sergent Byun Hui-su (변희수) a malheureusement mis fin à ses jours en mars 2021. Hui-su était une jeune miliaire engagée dans l’armée depuis 2017, d’abord comme homme, mais elle fut démobilisée après avoir subi une CRS pour devenir une femme. Sa requête d’intégrer une unité féminine ayant été refusée.

La société coréenne et le mariage gay

Bien que l’homosexualité soit de plus en plus tolérée parmi la population jeune, le sujet LGBT reste globalement tabou en Corée du Sud. Tout ce qui sort du cadre hétérosexuel traditionnel est considéré comme quelque chose à cacher dans le domaine public et à limiter dans le domaine privé.

Les membres de cette communauté préfèrent donc fréquenter des lieux spécifiques, utiliser des applications de rencontres pour trouver un partenaire amoureux et vivre discrètement. Ce mode de vie leur permet d’éviter d’être jugés. L’acceptation du mariage gay en Corée du Sud a donc encore du chemin à faire.

Le mal être des LGBT en Corée

Couple gay triste car discriminé

En 2020, le journaliste Dylan Gueffier fait état d’un mal être profond chez les personnes gays dans son article « L’homosexualité en Corée du Sud », notamment à cause du passage obligatoire du service militaire. Selon ses recherches sur le sujet : « Le taux de pensées suicidaires au sein de la communauté homosexuelle masculine sont bien plus élevées que celle de la population générale : respectivement 32,3 % et 39 %. Une étude conduite en 2019 par l’association Chingusai révèle que 45 % des personnes LGBT ayant moins de 18 ans ont effectué une tentative de suicide et 53 % se sont mutilées ».

La pression sociale, très forte, ajoute énormément de poids au mal être des Coréens LGBT.

La pression de la société coréenne sur les LGBT

Toutes les strates de la société exercent une pression sur ces personnes : institutions militaires, religieuses, scolaires et entreprises. D’ailleurs, l’homosexualité peut être un motif valide de licenciement. À ce propos, un article de la BBC publié en 2019 relate une histoire sordide. Un soir, lors d’un repas d’entreprise, l’homosexualité d’un jeune homme est dénoncée par un collègue. Son supérieur le renvoi sur-le-champ et l’exclu du repas illico presto « pour ne pas répandre son homosexualité ». Une fois informée, sa mère l’oblige à participer à des thérapies de conversion.

Le visage d’une Corée conservatrice peut réellement faire des malheureux et des dégâts. Et l’absence d’une loi anti-discrimination contre les LGBT ne fait qu’exacerber cette pression sociale.

Je reste cependant positif quant à l’avenir des personnes LGBT dans la société coréenne. On peut noter que le nombre de dramas traitant le sujet du transgenre et de l’homosexualité augmente peu à peu, comme les excellents Mr Queen (철인왕후) et Under the Queen’s Umbrella (슈룹).

L’homosexualité dans l’histoire coréenne

Dans l’histoire de la Corée, l’homosexualité semble être un sujet peu discuté et en grande partie occulté. En parlant de 슈룹 juste au-dessus, il me semble plutôt évident que les gays, lesbiennes et transgenres devaient encore mieux cacher leur véritable identité durant les périodes précédentes de la Corée (Joseon, Goryeo…).

LGBT au moyen-âge en Corée ?

l'homosexualité au moyen-âge en Corée

Pourtant, dans le Samguk Yusa (삼국유사), « Faits mémorables des Trois Royaumes », un passage indique que Hyegong (36e roi de Silla) aimait ressembler à une femme et jouer avec un gourou. Toujours à Silla, des doutes subsistent sur la prétendue homosexualité chez certains soldats d’élite comme les « hwarang » (화랑). Plus tard, durant la période Goryeo, plusieurs rois semblent avoir eu des penchants homosexuels et peut-être transgenres comme les rois Mokjong (목종) et Gongmin (공민). La dynastie Yi de Joseon a aussi, semble-t-il, connu des personnalités LGBT, par exemple autour du roi Sejong (세종) entre les femmes de chambre du palais.

Être LGBT au 20e siècle en Corée

Plus proche de nous dans le temps, un fait historique est à noter. Le 13 août 1955, Cho Gi-cheol (조기철) né homme a subi la première opération de changement de sexe en Corée à l’hôpital de la Croix-Rouge de Séoul. Ce fait aurait pu ouvrir grand la voie vers l’acceptation de la communauté LGBT dans la société coréenne, mais la crise du sida dans les années 1980 et la théorie de la cause de l’homosexualité masculine ont été introduites en Corée. Cela a nettement joué en la défaveur des personnes LGBT.

2000, un point de départ pour la défense des droits LGBT ?

Toutefois, l’an 2000 marque un changement majeur avec en tête le coming out public de Hong Seok-cheon (홍석천), un acteur et restaurateur sud-coréen. La même année, le premier festival de la culture queer (퀴어문화축제) a eu lieu à Daehangno (대학로). L’année suivante, Harisu (하리수), la première célébrité transgenre de Corée, fait ses débuts. Par la suite, l’Assemblée nationale de la République de Corée promulgue une loi où pour la première fois les termes « orientation sexuelle » sont inclus.

À partir des années 2000, la communauté LGBT revendique davantage des droits et de plus en plus d’artistes affichent publiquement leur orientation sexuelle ou de genre et défend les droits des minorités. La K‑pop et d’autres arts du divertissement sont utilisés pour promouvoir la reconnaissance et la visibilité de la communauté LGBT.

Dernière actualité brûlante autour du mariage gay en Corée du Sud

manifestation de So Sung-uk et son conjoint Kim Yong-min
So Sung-uk et Kim Yong-min (Yonhap)

Tout au début de cet article, nous avons parlé de So Sung-uk et Kim Yong, un couple d’hommes homosexuels qui se bat pour faire reconnaître leur union matrimoniale et en tout premier lieu leurs droits à un partage de la couverture d’assurance maladie.

Il faut savoir qu’en Corée du Sud un conjoint sans source de revenus est exonéré de cotisation à l’assurance maladie si l’autre personne est salariée et assurée par son employeur. Ce droit est ouvert aux couples mariés, mais aussi aux couples hétérosexuels vivant en concubinage sans être mariés.

En janvier 2022, un tribunal de grande instance avait rejeté la requête du jeune couple qui visait à annuler la décision du Service national d’assurance maladie d’exiger des arriérés de paiement du partenaire non rémunéré. Retournement de situation le 21 février 2023, la cour d’appel de Corée a annulé cette décision et a statué que le conjoint dans un couple de même sexe est éligible à la couverture nationale de l’assurance maladie.

Cette décision de justice marque un tournant très important et un grand pas vers une future reconnaissance du mariage gay en Corée du Sud.

Quel avenir pour le mariage gay en Corée du Sud ?

Malgré cette avancée, les couples de même sexe en Corée du Sud font toujours face à de nombreuses limitations et discriminations. Par exemple, ils ne peuvent pas enregistrer légalement leur mariage, n’ont pas accès aux mêmes droits en matière de parentalité, et ne bénéficient pas des mêmes protections juridiques en cas de séparation ou de décès d’un partenaire.

Il est important de noter que les attitudes sociales et les lois peuvent évoluer avec le temps, et il y a des signes que la pression augmente pour des changements dans la loi concernant le mariage homosexuel en Corée du Sud.


Sources

Auteur/autrice

1 Comment

  1. Bonjour et merci pour cet article. Il est clair et permet de mieux comprendre la société coréenne. Je ne pensais pas qu’une intervention chirurgicale pour changer de sexe avait été réalisée aussi tôt !

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