Maedup (매듭) : tout savoir sur l’art du nœud coréen

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Maedup le noeud traditionnel coréen
©La Corée en Lumière

L’art ancestral du maedup, ou nœud coréen, regroupe tout un ensemble de techniques de nouage utilisées comme ornements. Autrefois réservé à la famille royale et aux artisans spécialisés, le maedup a évolué et s’est complexifié au cours des siècles pour atteindre son apogée durant la période Joseon. Ces nœuds étaient alors confectionnés pour embellir divers accessoires, objets ou vêtements traditionnels. Progressivement, ils se sont imprégnés d’une symbolique culturelle et spirituelle, allant jusqu’à représenter les liens qui unissent le peuple coréen. Aujourd’hui, l’art du nouage décoratif (maedeupjang) est désigné comme Patrimoine Culturel Immatériel National n° 22 par le gouvernement coréen. Découvrons ensemble l’histoire et les coulisses du nœud coréen, un ornement typique de Corée.

L’évolution du maedup en Corée

La découverte des premières techniques de nouage

Le maedup coréen (dont la bonne transcription est en fait maedeup pour 매듭) est l’art du nouage. Ce savoir-faire traditionnel trouve ses racines dans la Chine. Importés il y a plusieurs millénaires, les premiers nœuds étaient utilisés pour attacher des outils comme des couteaux, ou de la nourriture à ses vêtements. Un peu plus tard, les nœuds coréens ont servi de repères pour la tenue de registres administratifs et comptables. En effet, les fils rouges représentaient le nombre de soldats, tandis que le jaune, le gris et le vert représentaient respectivement l’or, l’argent et le grain. Les nombres, quant à eux, étaient symbolisés par des nœuds situés à intervalles réguliers pour représenter 1, 10, 100 et 1 000.

La popularisation du maedup

La période des Trois Royaumes

À l’époque des Trois Royaumes (57 av. J.-C. – 668 apr. J.-C.), les nœuds coréens ne sont plus seulement pratiques. Les péninsulaires ont commencé à développer des techniques de nouage variées pour donner un aspect plus esthétique aux maedup. Les nœuds embellissaient alors les vêtements, les objets cérémoniels ou se transformaient en bijoux, aussi bien pour les humains que pour les chevaux. Mais, seule la famille royale bénéficiait de ces ornements, symboles de luxe et d’autorité. Le Samguk Sagi (삼국사기), recueil historique des Trois Royaumes, fait mention des premiers maedup décoratifs et de leurs usages. Cette compilation datant de 1145 servait alors de base pour leur développement. 

Les nœuds coréens durant l’ère Goryeo

Au cours de la dynastie Goryeo (918‑1392), l’art du maedup s’est répandu dans de nombreuses classes de la société coréenne. Les nœuds occupaient ainsi une place importante et étaient devenus un accessoire incontournable pour la décoration, les rituels, la comptabilité, la mode et l’artisanat coréen. Également désignés sous le nom de « dahoe » (다회), ils étaient également souvent représentés dans les peintures bouddhiques, ornant la poitrine des sages bodhisattvas. Au fil des années, de nombreuses techniques ont vu le jour, venant perfectionner celles déjà existantes. 

maedup coréen
©전통 매듭공예

La consécration du maedup dans la péninsule coréenne

Sous la dynastie Joseon (1392–1910), l’art du maedup s’est encore développé. Les nœuds coréens se sont démocratisés dans toutes les classes de la société, du simple citoyen jusqu’au roi. Accessoires indispensables pour de nombreux Coréens, les maedup étaient alors utilisés au quotidien pour embellir une multitude d’objets. En effet, leur délicatesse et leur couleur chatoyantes pouvaient orner : 

  • norigae (노리개) ; 
  • petits contenants de rangement (« seonchu » – 선추) ;
  • bourses en tissu (« jumeoni » – 주머니) ;
  • ceintures traditionnelles (« dopokkeun » - 도포끈) ;
  • attaches pour les chapeaux traditionnels (« gatkkeun » – 갓끈) ;
  • décoration pour les plaques d’identifications dédiées aux fonctionnaires (« hopae » – 호패) ;
  • boucles d’oreilles (« gwigeoli » – 귀걸이) ; 
  • trousses à crayons (« pillang » – 필낭) ; 
  • boîtes à lunettes (« angyeongjip » – 안경집) ;
  • instruments de musique comme le geongo (건고), le banghyang (방향) ou le tongso (통소), etc. 

À cette époque, il existait 33 types de nœuds différents, soigneusement répertoriés dans Les annales du roi Sejong (세종실록 Sejong Sillok). Ces techniques pouvaient être adaptées pour créer de nombreuses variations. Éléments incontournables de la culture coréenne durant l’ère Joseon, les maedup faisaient aussi souvent office de porte-bonheur, allant jusqu’à jouer un rôle important dans certaines célébrations.

Ancienne trousse coréenne datant de l'époque Joseon, ornée d'un maedup
Trousse ornée d’un maedup ©한국민족문화대백과

La transmission d’un art traditionnel ancestral

La pratique secrète des nœuds coréens

Bien que le maedup ait occupé une place de choix dans la vie des Coréens pendant plusieurs siècles, la transmission de cet art ancestral a été mise à mal durant l’occupation japonaise de 1910 à 1945. Quelques artisans passionnés, comme Shim Chil-am (심칠암), Kang Ki-man (강기만) et Jeong Yeon-soo (정연수) ont cependant continué de pratiquer leur art discrètement. Dès la fin de la guerre, en 1954, les péninsulaires se réapproprient leur culture et de jeunes amateurs se prennent de passion pour le maedup coréen à l’image de Kim Hee-jin (김희진) qui est devenue une disciple de Jeong Yeon-soo. 

La consécration du maedup comme art national

En décembre 1968, le ministère de la Culture coréen désigne le maedup comme un bien culturel immatériel précieux et place Kim Hee-jin (1934–2021) au rang de gardienne de cet art traditionnel. Rapidement passée experte en la matière, elle a également été reconnue comme « détentrice d’un savoir-faire culturel immatériel » en 1976, puis comme « Trésor national ». Kim Hee-jin a ainsi contribué au rayonnement du maedup coréen à travers le monde par le biais de démonstrations et d’expositions. Ces efforts ont été jumelés à ceux du bureau de l’industrie culturelle, instauré en 1994, qui œuvre pour la préservation des produits culturels, dont les nœuds coréens. Le maedup est aujourd’hui considéré comme un artisanat privé, à l’instar du macramé ou du tricot, et fait de plus en plus d’émules à travers le monde. 

Kim Hee-jin, experte en maedup, élu Trésor national coréen
Kim Hee-jin, Trésor national, experte du nouage coréen ©Edu.chosun

Les significations du nouage coréen

Le maedup, un symbole culturel

La complexité des relations humaines

La culture coréenne considère les relations humaines comme des liens qui se nouent et se dénouent au gré des affinités. Ainsi, les hommes et les femmes se croisent, se fréquentent, se tolèrent ou s’ignorent dans une harmonieuse cacophonie. Les nœuds coréens incarnent cette vision de la société. Les fils s’étirent, se croisent, se nouent et se dénouent pour former un ouvrage à la fois fragile et résistant. Les maedup peuvent ainsi tenir des siècles si aucun fil ne se rétracte. Il en va de même pour les Coréens qui transcendent les difficultés en joignant leur force sans retenue.

Le cycle harmonieux de la vie

Les nœuds coréens se terminent toujours là où ils ont commencé. En effet, peu importe la technique utilisée, les fils maedup forment des boucles qui semblent revenir à leur point de départ. Ils représentent ainsi le cycle de la vie et la continuité des relations humaines. Cet art manuel sophistiqué et élégant est le reflet de la vie, à la fois simple et complexe. Pour beaucoup, il est le symbole de la philosophie coréenne, de l’amour et de l’harmonie. 

Petits nœuds coréens blancs
©Made in Maedup

Le maedup, une signification spirituelle

Le lien avec la nature

La plupart des techniques de maedup coréen portent un nom en rapport avec la nature, à l’image des nœuds papillon, libellule, chrysanthème ou lotus qui sont parmi les plus populaires. Les artisans de l’époque se sont, en effet, inspirés de ce qu’ils voyaient pour créer. Au fil du temps, ces nœuds ont acquis une véritable symbolique liant l’homme à son environnement. Les fils de maedup sont devenus des médiateurs reliant les humains au monde céleste. C’est pourquoi les nœuds étaient souvent utilisés comme un porte-bonheur.

La portée spirituelle du maedup

Le nœud coréen est étroitement lié au concept de « nœud infini ». Ce symbole bouddhique représente le mouvement, la continuité, le cycle de la vie, l’interconnexion de toutes choses et la bienveillance. Ce symbole était donc très fréquemment représenté sur des peintures et décorations bouddhiques datant de l’époque Goryeo. Les moines utilisaient ainsi régulièrement des maedup pour décorer des objets sacrés comme des palanquins, des instruments de musique ou des statues. 

Palanquin bouddhique décoré de nœuds coréens
Décoration d’un palanquin bouddhique avec des maedup ©전통 매듭공예

Comment faire un maedup

La composition d’un nœud coréen traditionnel

Un maedup n’est considéré comme réussi que s’il combine à la perfection le nouage (매듭), le pompon (술) et la composition des couleurs (다회). C’est en combinant ces trois éléments que les artisans parviennent à créer de sublimes accessoires comme le norigae (노리개). Certains ornent également leur ouvrage d’un bijou de jade, d’or ou d’argent appelé « paemul » (패물). En ce qui concerne le matériau (soie, coton, laine, bambou, etc.), il est essentiel de le choisir minutieusement, car chacun offre un rendu différent, tant dans le rendu des couleurs que dans le visuel final. Enfin, le maedup a proprement parlé doit être symétrique, identique sur ses deux faces et facile à nouer et à dénouer. Dans sa continuité se trouve le pompon, aussi appelé « sul » (술). Cette partie vient terminer le nouage et contribue à son élégance. 

Les techniques de maedup coréen

Le nœud dorae

Le doraemaedeup (도래매듭) est un nœud de base utilisé pour sécuriser l’ouvrage ou changer la forme d’un autre nœud. Il s’obtient très facilement en formant trois boucles à l’aide de deux fils maedup. 

Nœud dorae (maedup coréen)
©전통 매듭공예

Le nœud gwidorae

Le gwidoraemaedeup (귀도래매듭) est une variante du nœud de base. Le gwidorae est un nœud classique agrémenté de deux petites boucles sur les côtés, formant comme des oreilles.

Nœud gwidorae (maedup coréen)
©전통 매듭공예

Le nœud lotus

Le nœud lotus appelé « yeonbong maedeup » (연봉매듭) ou « danchu maedeup » (단추매듭) est souvent utilisé comme bouton pour les vêtements traditionnels coréens grâce à sa forme très arrondie.

Nœud lotus (maedup coréen)
©전통 매듭공예

Le nœud dongsimgyeol

Le dongsimgyeolmaedeup (동심결매듭) est un nœud illustrant l’éternité. Il est composé d’une partie centrale et de trois petites boucles en haut, à droite et à gauche. Il est souvent utilisé sur les plaques funéraires et tous objets relatifs au deuil. À l’inverse, le nœud saengdongsimgyeol (생동심결매듭), très similaire tant dans le nom que dans la forme, est utilisé lors de célébrations comme les mariages.

Nœud dongsimgyeol et saengdongsimgyeol (maedup coréen)
Nœud dongsimgyeol à gauche ©전통 매듭공예 – Nœud saengdongsimgyeol à droite ©전통 매듭공예

Le nœud fleur de chrysanthème

Le nœud de chrysanthème ou « gukhwamaedeup » (국화매듭) est un nœud complexe qui nécessite beaucoup d’entraînement et une grande patience. Il peut être réalisé avec une seule corde, deux, voire trois selon l’effet recherché.

Nœud fleur de chrysanthème (maedup coréen)
©전통 매듭공예

Le nœud tortue

L’art du maedup regorge de motifs aux noms animaliers comme le nœud libellule, cigale ou papillon, mais l’un des plus spectaculaires est sans doute le nœud tortue. Grâce à une multitude de boucles, les artisans parviennent à transformer de simples fils maedup en un animal plus que saisissant.

Nœud tortue (maedup coréen)
©두산백과

Les techniques de pompon pour embellir un maedup

Le pompon fraise

Le ttalgisul (딸기술) est un pompon dont la tête est en forme de fraise. C’est l’une des finitions les plus fréquemment utilisées pour terminer joliment un nœud coréen. 

Pompon fraise (maedup coréen)
©e뮤지엄

Le pompon bong

Le bongsul (봉술) vient séparer les cordes en deux voire trois parties égales à l’aide d’un paemul.

Pompon bong (maedup coréen)
©전통 매듭공예

Le pompon cloche

Le bangmang-isul (방망이술) est un pompon dont l’extrémité des cordes s’entremêle pour former un nœud lotus, les chutes sont ensuite attachées sur leurs autres extrémités puis enveloppées de fil d’or ou d’argent. 

Pompon cloche (maedup coréen)
©전통 매듭공예

Le pompon pieds de pieuvre

Le nakjibalsul (낙지발술) ou pompon « pieds de pieuvre » est obtenu en multipliant les couches de ficelles attachées en leurs centres par une attache simple. Les cordes tombent ainsi de part et d’autre comme les tentacules d’une pieuvre. Il existe des pompons simples composés d’un seul nakjibalsul, et des plus complexes comprenant deux voire trois ouvrages.

Pompon pieds de pieuvre (maedup coréen)
©전통 매듭공예

👩🏻‍🎨Vous avez maintenant les bases pour réaliser de jolis maedup ou norigae. Par quelles techniques commencerez-vous ? 

Où trouver des maedup en Corée et en France ?

Les expositions de maedup à Séoul

Si vous êtes sur Séoul (ou prévoyez de vous y rendre bientôt), l’art du maedup est à portée de main. En effet, nous avons sélectionné trois lieux incontournables pour tous les intéressés des nœuds coréens. 

L’atelier de maedup Donglim

©KTO

L’atelier Donglim (동림매듭공방) est un espace où il est possible d’admirer de nombreux ouvrages de maedup coréens anciens et récents. Donglim propose également des ateliers d’une journée pour fabriquer des bracelets, des colliers et des porte-clés à l’aide des techniques de nouage traditionnelles. Comptez entre 10 000 et 12 000 wons la journée, soit entre 7 et 9 euros. 
Adresse : 10 Bukchon-ro 12-gil, Jongno-gu, Seoul 03056  
Ouvert du mardi au dimanche 

Le musée National du Palais de Corée

©Lee Kangheu

Le musée national du Palais de Corée (국립고궁박물관) regroupe de nombreux artefacts coréens. Vous pouvez, entre autres, y admirer un ensemble d’ouvrages de maedup datant de l’ère Joseon. 
Adresse : 12 Hyoja-ro, Jongno-gu, Seoul 03045
Ouvert tous les jours

Le musée des arts créatifs de Séoul – SeMoCa

©Seoul Museum of Craft Art

Le SeMoCA (서울공예박물관) possède une grande collection d’objets artisanaux couvrant divers domaines et époques. Le musée organise aussi des expositions qui présentent l’histoire de l’artisanat dont certaines traitent des nœuds coréens.
Adresse : 4, Yulgok-ro 3‑gil (Anguk-dong), Jongno-gu, Seoul
Ouvert du mardi au dimanche

🏯 Si vous n’êtes friand de musées, vous pouvez aussi observer des maedup lors d’une visite au palais de Changdeokgung (창덕궁). 

Le maedup accessible en France

Vous ne prévoyez pas de voyager en Corée prochainement, mais le maedup vous intrigue ? Pas de soucis, le nouage coréen est aussi présent en France. En effet, diverses associations proposent des ateliers ponctuels comme le Festival des Arts Coréens Dokwan ou Racines Coréennes. De plus, la Société Internationale de Culture de Corée organise régulièrement des événements pour promouvoir la culture du pays du matin frais. Ces événements étant très ponctuels, je vous conseille de suivre ces différentes associations sur les réseaux sociaux pour ne pas manquer le prochain. 

En revanche, si votre objectif est de fabriquer vos propres nœuds, plusieurs organismes proposent des ateliers ou des cours de maedup sur Paris : 

Vous avez toutes les cartes en main pour devenir le ou la prochaine pro du maedup. 😉

Nœuds coréens réalisés au Paris atelier
Cour de maedup chez ©Paris atelier

Le nouage coréen accessible en ligne

Si vous habitez en province, vous trouverez de nombreuses chaines YouTube pour apprendre à réaliser divers types de nœuds ou de pompons comme BaekyM, Chaecie ou StudioEUn. Si vous préférez le format papier, il existe quelques livres sur le sujet comme L’art du Maedup, les nœuds coréens de Kim Sang-lan. 

How to make maedeup (©BaekyM)

Apprendre à confectionner vos propres nœuds coréens ne vous attire pas ? Vous pouvez tout aussi bien vous procurer de magnifiques maedup tout faits sur Amazon, Etsy ou des sites spécialisés. Certaines boutiques sont d’ailleurs très jolies et proposent de nombreux modèles, comme celles de SoonSoo, LunakJogak ou Go Yu.

Le maedup, l’art du nouage typiquement coréen

Le maedup coréen, d’abord utilisé à des fins purement pratiques, s’est mué en un véritable art au fil des siècles. Suspendu à de multiples objets pour les embellir, le nœud coréen est progressivement devenu un symbole culturel et spirituel. Aujourd’hui témoignage vibrant d’une Corée ancestrale, cet artisanat traditionnel a été élevé au rang de trésor national et continue de fasciner les initiés du monde entier.


Sources consultées en octobre 2023

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