Korean Air redessine le ciel : acquisition d’Asiana et commande massive d’Airbus

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Korean Air rachat d'Asiana Airlines et modernisation
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La première compagnie aérienne de Corée du Sud fait parler d’elle ces derniers mois : acquisition-fusion d’Asiana Airlines, commande massive d’Airbus A350 et promesse d’achat de 110 autres avions auprès de Boeing et Airbus. Pour mieux comprendre cet instant décisif pour l’industrie aéronautique de Corée, nous faisons le point sur la situation de Korean Air.

Brève présentation de Korean Air

Korean Air est la plus grande compagnie aérienne de Corée du Sud. L’entreprise est une fierté nationale, car elle s’est vite développée et occupe aujourd’hui une position de leader dans l’industrie aérienne mondiale.

Naissance de Korean Air

L’histoire coréenne des vols commerciaux commence avec Joseon Aviation Business Company fondée en 1924. Mais il faut attendre la libération de 1945 pour voir naître Korean National Airlines (KNA) avec la permission du gouvernement militaire américain. L’entreprise nationale fait faillite après le suicide de son fondateur Shin Yong-wook en 1961. L’année suivante, Korean Air Lines Corporation (KAL) est créée sous l’impulsion du gouvernement pour remplacer KNA. D’abord gérée par l’État sud-coréen, KAL se retrouve rapidement fortement endettée.

Le président Park Chung-hee cherche alors à vendre l’entreprise nationale de transport aérien. Il incite l’entreprise Hanjin International Corporation à acquérir Korean Air Lines Corporation. Le 1er mars 1969, Hanjin acquiert les droits d’exploitation de l’entreprise d’État et fonde la société Korean Air Lines Company Limited. En 1984, la société modifie son nom commercial en « Korean Air » (대한항공).

Évolution du logo de Korean Air (©La Coréen en Lumière).
Évolution du logo de Korean Air (©La Corée en Lumière).

Korean Air aujourd’hui

Entreprise fortement endettée au départ, Korean Air est rapidement devenue le porte-étendard de la Corée du Sud. Aujourd’hui, la plus grande compagnie aérienne de Corée réalise :

  • du transport de passagers ;
  • du transport de marchandises (fret/cargo) ;
  • de l’aérospatial.

En tout, 120 villes dans 43 pays sont desservies par Korean Air et la compagnie compte une flotte de 157 appareils en service dont 10 prestigieux Airbus A380 et 20 indétrônables Boeing 747. La compagnie coréenne est reconnue pour son innovation, sa sécurité et son service client de qualité.

Des reins en acier

En 2022, malgré les défis imposés par la pandémie covid-19, la compagnie aérienne de Corée a réalisé un chiffre d’affaires de 12 078 milliards de wons (environ 8,3 milliards d’euros). Ce qui représente environ 73 % de son CA de 2019. Dans le classement en chiffre d’affaires des plus grandes compagnies aériennes dans le monde, Korean Air se hisse à la 12place (Statista, mai 2022).

Classement par CA des plus grandes compagnies aériennes. Korean Air est 12e (©Statista, mai 2022).
Classement par CA des plus grandes compagnies aériennes. Korean Air est 12e (©Statista, mai 2022).

Ces chiffres témoignent de la solidité financière et de l’importance de Korean Air dans le transport aérien international. Ces données permettent aussi de mieux comprendre les capacités de la compagnie à acquérir Asiana Airlines, le deuxième plus important transporteur aérien en Corée, et à commander des dizaines de nouveaux avions.

Le projet d’acquisition d’Asiana Airlines

Fondée en 1988, année des Jeux olympiques de Séoul, Asiana Airlines et la deuxième plus importante compagnie aérienne de Corée du Sud. Elle a été créée initialement pour stimuler la concurrence et réduire la dépendance à Korean Air. Asiana propose aujourd’hui des vols domestiques et internationaux et la réputation de sa qualité de service n’est plus à faire.

Maquette de 747 d'Asiana Airlines. (©taehoon411).
Maquette de 747 d’Asiana Airlines. (©taehoon411).

Pourquoi le rachat d’Asiana Airlines ?

Perdre totalement Asiana pourrait conduire à une forte instabilité de l’industrie aéronautique coréenne, car la compagnie pèse lourd. Il s’agit de sauver une entreprise au bord de la faillite.

Première tentative de rachat

L’instabilité financière d’Asiana remonte avant même la crise de covid-19. Fin 2019, l’entreprise devait déjà 3 000 milliards de wons (environ 2 milliards d’euros) à des institutions financières. Et le projet de rachat d’Asiana par Hyundai Development Company, une entreprise sud-coréenne de BTP, pour 2 500 milliards de wons (1,9 milliard d’euros) tombe à l’eau en septembre 2020. La KDB (Banque de développement de Corée) et un bailleur de fonds public ont alors investi 2 400 milliards de wons. Mais, la crise sanitaire devenait un coup presque fatal pour Asiana. Les 268 milliards de wons (environ 185 millions d’euros) de pertes enregistrées au premier semestre 2020 se sont ajoutés au passif. La dette totale grimpait alors à 11 500 milliards de wons (8 milliards d’euros), représentant alors 22 fois ses actifs.

Korean Air au secours d’Asiana Airlines

En novembre 2020, le gouvernement sud-coréen annonçait le projet de fusion de Korean Air et d’Asiana Airlines. Dans le même temps, la première compagnie aérienne de Corée partageait dans un communiqué de presse : « Considérant que la situation financière de Korean Air pourrait également être menacée si la situation liée à la covid-19 venait à se prolonger, il est inévitable de restructurer le marché intérieur de l’aviation pour améliorer sa compétitivité et minimiser l’injection de fonds publics ».

Notons aussi que ce rachat permettrait à Korean Air-Asiana d’avoir plus de poids et de gagner des places sur le marché mondial de l’aviation.

Des avions de Korean Air et Asiana Airlines sur le tarmac en Corée du Sud (©Yonhap).
Des avions de Korean Air et Asiana Airlines sur le tarmac en Corée du Sud (©Yonhap).

Loi antitrust et autres obstacles à la fusion

Les régulateurs antitrust mondiaux étaient préoccupés par l’apparition d’un monopole né de la fusion entre Korean Air et Asiana Airlines. Mais peu à peu les barrières tombent. En juin 2023, sur 14 pays et zones économiques, 11 ont donné leur approbation, dont la Grande-Bretagne, l’Australie, Singapour, le Vietnam, la Turquie et la Chine.

L’une des craintes principales d’un monopole est l’abus de la position dominante, notamment concernant la hausse des prix. Won Hee-ryong, ministre du Territoire, de l’Infrastructure et des Transports, notifiait que « Korean Air doit proposer des mesures pour résoudre les inquiétudes en matière de monopole ». Il déclarait aussi que « le gouvernement interdit aux transporteurs aériens d’augmenter les tarifs de transport de passagers et de marchandises plus que le taux d’inflation du pays et les empêche de réduire le nombre de sièges passager ».

Won Hee-ryong en entretien avec Yonhap le 16 juin 2023 (©Yonhap).
Won Hee-ryong en entretien avec Yonhap le 16 juin 2023 (©Yonhap).

C’est sans oublier que ces dernières années, d’autres compagnies aériennes coréennes, dont plusieurs low cost, ont vu le jour, créant ainsi plus de concurrence.

Vente séparée d’Asiana Cargo

Octobre 2023, l’UE s’inquiétait au sujet de la baisse de la concurrence sur les marchés des services de transport aérien de passagers et de fret entre l’UE et la Corée du Sud. Ce qui pouvait rassurer l’Union européenne était la vente séparée de l’activité cargo (fret) d’Asiana. Pour apaiser les craintes, Asiana a donc proposé de vendre son activité fret à une autre société. Fin février 2024, quatre compagnies se sont intéressées au rachat de la division cargo d’Asiana : Jeju Air, Eastar Jet, Air Premia et Air Incheon.

Boeing 747 d'Asiana Cargo sur le tarmac (©Asiana Cargo).
Boeing 747 d’Asiana Cargo sur le tarmac (©Asiana Cargo).

L’UE a cependant émis d’autres conditions pour accepter la fusion, dont le renoncement à des liaisons commerciales vers quatre villes européennes et l’accompagnement de la compagnie T’Way Air, un concurrent de Korean Air, dans la mise en place de nouvelles lignes vers l’Europe. La première compagnie aérienne de Corée a accepté toutes les conditions.

Aux dernières nouvelles, le Japon est le 13e de la liste à accepter le rapprochement des deux compagnies aériennes coréennes. Il reste maintenant aux États-Unis d’accepter le rachat d’Asiana par Korean Air. Ce qui n’est pas gagné, car en mai 2023 le ministère de la Justice américain souhaitait bloquer la fusion, car estimée anticoncurrentielle.

Achat d’avions à la pelle et modernisation

Jeudi 21 mars, Korean Air partageait son intention de signer un accord avec Airbus pour l’acquisition de 33 A350 pour un total de 13,7 milliards de dollars. Mais la compagnie compte aller plus loin.

33 Airbus A350 pour Korean Air

Dans le détail, il s’agit de 27 A350-1000 capables d’accueillir jusqu’à 410 passagers chacun et de 6 A350-900, légèrement plus petits. Les nouveaux matériaux composites de ces appareils promettent jusqu’à 25 % de réduction de carburant et d’émission de carbone.

Airbus A350-900 de Korean Air (©Korean Air).
Airbus A350-900 (©Korean Air).

Cette commande marque un grand tournant pour la compagnie aérienne coréenne, car jusqu’à présent sa flotte est essentiellement composée de Boeing : 103 Boeing contre 54 Airbus (chiffres de Korean Air pour 2022). Les A350 devraient remplacer de vieux 777, ce qui donnerait plus d’équilibre entre les deux constructeurs d’avions dans la flotte active de la compagnie.

Autres achats en prévision

Korean Air ne souhaite pas en rester là. La compagnie a aussi déclaré vouloir acquérir d’autres appareils, Airbus et Boeing, pour sa flotte :

  • 50 A321 neo ;
  • 10 787–9 ;
  • 20 787–10 ;
  • 30 737–8.

Rien ne le précise, mais il est possible que ces nouveaux appareils remplacent d’anciens avions de Korean Air et d’Asiana Airlines.

Modernisation de la flotte

Le but de ces achats est la modernisation de la flotte. Et cette modernisation s’accompagnera d’une nouvelle offre de places premium économiques inaugurées avec l’arrivée des nouveaux Boeing 787–10. Cette nouvelle classe commerciale de Korean Air a été annoncée pour 2024. Elle se situera entre la classe économique et la classe affaires. Des espaces plus grands pour les jambes et des sièges plus confortables seraient donc prévus. Reste plus qu’à attendre le coût pour les voyages !

Korean Air, toujours plus fort ?

Avec ses récentes manœuvres stratégiques, Korean Air renforce sa stature dans le ciel global. L’acquisition d’Asiana Airlines et l’importante commande d’avions signalent une ambition de croissance et de modernisation. Ces actions, couplées à une solide performance financière malgré les défis mondiaux, posent la question : Korean Air s’achemine-t-elle vers une position toujours plus dominante dans l’aéronautique ?

Ce tournant pourrait bien marquer une nouvelle ère pour la compagnie, illustrant sa résilience et sa vision à long terme pour rester au sommet.

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