Google et Amazon en Corée : pourquoi ça ne marche pas trop ?

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Google et Amazon : pourquoi ça ne marche pas trop en Corée ?
©La Corée en Lumière

Voyager en Corée implique d’adopter les coutumes locales, y compris sur son smartphone, sans quoi on se demande rapidement pourquoi Google et Amazon ne marchent pas trop en Corée du Sud ? Ou plutôt pas aussi bien qu’en Occident. En effet, les Sud-Coréens utilisent de nombreuses applications alternatives à celles des GAFAM (devenus GAMAM avec Meta). Et pour cause, en Corée du Sud, l’oligopole américain laisse place à un oligopole local. Plusieurs raisons ont amené le pays à s’affranchir des 5 géants du Web et à favoriser le développement de ses propres plateformes, et nous vous proposons de découvrir les plus importantes. 

Le gouvernement sud-coréen légifère pour l’indépendance numérique

Depuis les années 1970, Séoul prend ses dispositions pour devenir leader de la tech mondiale, et depuis les années 1990, pour développer son propre marché numérique national. Un pari réussi, qui influence les pratiques quotidiennes des Sud-Coréens.

Le gouvernement a notamment mis l’accent sur le ministère de l’Information et de la Communication, assurant le développement des compétences numériques de ses citoyens. Une politique qui a entre autres facilité la création de :

  • Daum en 1997, le premier moteur de recherche né avant Yahoo et Google.
  • Naver a suivi en 1999 et ne fait que se développer depuis.
  • 13 ans plus tard, Kakao était créé juste après l’avènement de WhatsApp.

Toutes ces innovations nationales, qui ont joué un rôle dans l’ascension du miracle économique coréen, représentent pas moins de 10,3 % du PIB national. Voici donc une cartographie des applications qui remplacent Google et Amazon en Corée du Sud

Les alternatives à Google en Corée du Sud

Si vous partez à la recherche d’informations, de votre chemin, ou d’une traduction en Corée du Sud, oubliez Google qui ne vous serait pas d’une grande aide. Téléchargez plutôt la suite d’applications Naver que l’on vous présente en quelques mots. 

 

En Corée du Sud, le moteur de recherche de la société Alphabet laisse place à Naver Search. Le portail de ce navigateur web local offre également une boîte mail associée, une section actualités, Naver shopping, ainsi que le marché actions et bien d’autres éléments que l’on retrouve habituellement sur Google.

Barre de recherche de Naver Search (19/03/2024).
Barre de recherche de Naver Search (19/03/2024).

Afin de comprendre pourquoi Google Maps ne marche pas fort en Corée du Sud, ou plutôt de manière très approximative, il faut remonter à une époque où Google n’existait pas encore, dans les années 1950. 

Illustration de l'application Naver Map dans Google Play.
Illustration de l’application Naver Map dans Google Play Store.

La guerre de Corée, qui a donné lieu à la séparation entre la partie nord et sud a beau s’être terminée en 1953, officiellement, les deux nations sont toujours en guerre. Aucun traité de paix n’ayant été signé, les tensions sont toujours présentes, et c’est pour des raisons de sécurité que la Corée du Sud refuse de donner accès à ses données cartographiques au géant américain Google. Les Coréens et les touristes de passage utilisent donc Naver Map pour trouver leur chemin. 

Papago mieux que Google Traduction

Tout visiteur qui souhaite lire les panneaux de Séoul ou déchiffrer la carte d’un restaurant traditionnel en Corée du Sud s’arme rapidement de Papago pour traduire le hangeul en anglais, français ou toute autre langue. Plus efficace et fidèle que Google Translate, Papago est le traducteur le plus utilisé du pays, car il permet en plus de discuter en direct avec des Coréens.

Naver Papago propose une traduction vocale en direct.
Naver Papago propose une traduction vocale en direct.

Kakao : l’application la plus utilisée en Corée du Sud

Kakao est la suite d’applications phare en Corée du Sud. Plus qu’une simple application, cet écosystème fait partie intégrante de la vie des Sud-Coréens. Ils l’ont d’ailleurs très vite adopté grâce aux fameux personnages, les Kakao friends, qui ajoutent une forme de gamification. 

Quelques-uns des Kakao Friends, emblèmes de l’application.
Quelques-uns des Kakao Friends, emblèmes de l’application (©Kakaocorp).

Concrètement, KakaoCorp propose tous les services du quotidien à travers une dizaine d’applications similaires à celles que l’on connaît en Occident. 

Kakao Talk, la messagerie instantanée

Une fois n’est pas coutume, le groupe Meta (ex-Facebook) et ses messageries comme WhatsApp et Messenger sont relégués au second plan en Corée du Sud. Les GAMAM laissent place à Kakao Talk, la messagerie instantanée numéro 1 pour chatter avec ses proches en Corée. Celle-ci offre même des fonctionnalités avancées comme l’envoi d’argent ou de bons cadeaux. 

Kakao Talk, le service de messagerie sécurisée coréen.
Kakao Talk, le service de messagerie sécurisée coréen (©Kakaocorp).

Kakao Map

Kakao Map se distingue de Naver Map en répertoriant des contenus générés directement par les utilisateurs, en plus de permettre de tracer un itinéraire d’un point A à un point B. Les deux sont complémentaires, et Kakao ne pouvait pas faire l’économie d’un système de cartographie, alors même qu’il guide les Coréens dans la plupart de leurs actions. 

Illustration de Kakao Map sur Google Play Store.
Illustration de Kakao Map sur Google Play Store.

Kakao T, Kakao Bus et Kakao Metro

Que vous préfériez les transports en commun ou un taxi, là encore, Kakao a ce qu’il vous faut. En 2015, Uber a d’ailleurs eu l’interdiction d’exercer en Corée du Sud. Son fondateur Travis Kalanick avait été forcé de prendre la route vers les tribunaux de Séoul après avoir essayé d’y implanter son service de VTC. Aujourd’hui, même si l’application Uber est utilisée dans toutes les grandes villes de Corée, Kakao reste en tête, car il n’y a pas de chauffeurs Uber comme en France, mais des taxis indépendants ou en société.

Nous précisons que pour les étrangers, l’application Uber reste plus pratique en Corée du Sud si vous l’utilisez déjà dans votre pays. En effet, votre carte bancaire y est déjà enregistrée.

Kakao Bank et Kakao Pay

Après vous avoir amené à destination, Kakao et ses services de FinTech vous permettent également de faire vos achats directement depuis votre smartphone via l’application Kakao Pay. De son côté, Kakao Bank permet également aux Sud-Coréens de gérer leurs finances. 

Nous vous avons présenté quelques-unes des applications de la KakaoCorp, mais cette entreprise centrale propose également Kakao Business, le chatbot Kakao i Connect, Talk Calendar, le réseau social Kakao Story, la plateforme Kakao TV ainsi que Kakao Games. 

Aperçu de l’ensemble des applications de la KakaoCorp
Aperçu de l’ensemble des applications de la KakaoCorp

Les applications de livraison à domicile en Corée du Sud

Coupang supplante Amazon

Là encore, le pays parvient à réaliser un remarquable tour de force : ne pas avoir besoin d’interdire Amazon pour le dépasser. En effet, le gouvernement sud-coréen n’a jamais interdit à l’entreprise Amazon d’exercer son activité au sein de ses frontières. En revanche, il a fait en sorte de proposer un acteur qui ne laisserait place à aucun adversaire : Coupang.

Coupang est le premier site d’e‑commerce coréen. Et pour cause, son rocket delivery service n’a rien à envier à Amazon Prime, puisque la grande majorité des commandes sont livrées en moins de 24 heures. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que le groupe Amazon s’avoue vaincu. On vous en dit plus juste après. 

Image promotionnelle de Coupang en Corée du Sud.
Image promotionnelle de Coupang en Corée du Sud.

Coupang Eats

La concurrence a tendance à se révéler trop forte pour Uber Eats sur le sol coréen. En grande partie parce que Coupang offre déjà un service redoutablement efficace avec son application de livraison de restaurants à domicile. On y retrouve des fast-foods coréens tels que Lotteria et des chaînes américaines comme Burger King, McDonald’s et KFC qui n’ont pas encore été détrônées, mais se sont adaptées aux goûts des Sud-Coréens. Et l’ensemble des restaurants font plutôt confiance en Coupang Eats plutôt que son homologue américain.

Nous pouvons d’ailleurs voir une certaine ressemblance avec le logo Uber Eats, sans parler des couleurs de l’enseigne Coupang qui ne sont pas sans rappeler la création de Larry Page. Le fondateur de Coupang, Bom Suk Kim, aurait-il trouvé l’inspiration chez ses concurrents, qui n’en sont donc pas vraiment ? Une chose est sûre : on comprend de plus en plus pourquoi Google et Amazon ne marchent pas trop en Corée du Sud !  

Logo de Coupang Eats
Logo de Coupang Eats

Une rapidité de service qui pose question

Quand il s’agit de conditions de travail, des similitudes avec Amazon surgissent également. En effet, le modèle sur lequel repose Coupang n’est pas plus rose que celui du géant américain, il est peut-être même pire. Là aussi, les employés travaillent un nombre d’heures indécent. En effet, les progrès technologiques en Corée du Sud se font bien souvent au prix de conditions de travail jugées inhumaines. Le taux hebdomadaire est de 52 heures actuellement, et s’élevait à 68 heures auparavant. Plusieurs scandales ont d’ailleurs eu lieu suite au décès d’employés de l’entreprise Coupang emportés par l’épuisement. 

L’industrie du divertissement en Corée du Sud

Cela fait quelques années maintenant que Psy et son Gangnam Style ont quitté nos écrans et la page d’accueil de Google, laissant la place aux chorégraphies de K‑pop et aux K‑drama qui se hissent sans mal au classement des séries les plus regardées à l’international. Contrairement aux applications de services, les applications de divertissement utilisées en Corée du Sud sont d’ailleurs les mêmes qu’à l’international. 

Amazon Prime, Netflix et Twitch en Corée du Sud

C’est un sujet d’actualité à l’heure où l’on écrit ces lignes, puisque Twitch a officiellement arrêté ses activités en Corée du Sud le 27 février 2024, à cause des coûts du réseau 10 fois plus élevés que dans les autres pays. Les streamers refont alors surface sur la plateforme sud-coréenne AfreecaTV (아프리카TV) qui regagne des parts de marché au passage, ce qui ne devrait pas être pour déplaire aux acteurs de la BigTech nationale.

Logo AfreecaTV.
Logo AfreecaTV.

Amazon garde toutefois une place sur les écrans des locaux à travers sa plateforme de vidéos à la demande (VOD) Amazon Prime. L’une des rares grandes présences du groupe Amazon dans le pays.

On peut aussi noter la très forte présence de Netflix, qui investit beaucoup de capital dans les k‑dramas et films coréens. Au point de poser question concernant leur impact sur le marché audiovisuel de Corée du Sud.

Youtube et les réseaux sociaux

La Corée du Sud reste hyperconnectée sur YouTube et Instagram qui permettent également d’exporter la culture à l’international. De nombreuses chaînes professionnelles ou non se sont développées sur YouTube depuis sa création. Elles font le régal des étrangers fans de culture pop coréenne.

Google et Meta parviennent donc à garder une certaine influence au sein de ce pays d’Asie de l’Est. 

La Corée du Sud s’élève au-delà des GAFAM

Les raisons pour lesquelles Google et Amazon ne marchent pas fort en Corée du Sud semblent donc être plus politiques et économiques que culturelles, les alternatives proposées étant quasiment similaires. Et c’est sans compter le fait que le peuple est bel et bien acteur dans l’utilisation des marques coréennes. Les produits locaux ont bonne presse et les Sud-Coréens donnent leur préférence aux services et produits locaux.

Les mesures prises en 2021 via le Digital New Deal confirment d’ailleurs la volonté du gouvernement de poursuivre le développement de son réseau et de ses technologies. Sur les 43,2 milliards de dollars prévus, 65 % sont consacrés à l’intelligence artificielle, 5,6 % aux services numériques, et 9 % au cloud et au metavers. D’ailleurs, pour voyager au cœur de Séoul dans sa version digitale plus vraie que nature, nous vous proposons de découvrir Metaverse Seoul, une appli représentative de l’avance que la capitale sud-coréenne entend prendre et garder sur les États-Unis !

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