
Dans notre monde la gastronomie est devenu un vecteur de soft power et d’identité culturelle. La Corée du Sud se distingue par une stratégie de grande envergure visant à propulser la k‑food, cuisine coréenne, sur la scène internationale. Le gouvernement sud-coréen a fixé des objectifs ambitieux pour l’industrie de la k‑food dont le fait de doubler sa taille pour atteindre 300.000 milliards de wons d’ici 2027. Cette vision repose sur une approche globale qui englobe l’augmentation du nombre de restaurants coréens à l’étranger, la promotion de la cuisine coréenne comme une composante essentielle du tourisme en Corée et l’encouragement à l’innovation dans la présentation et la préparation des plats traditionnels.
Cette initiative est soutenue par le gouvernement de Yoon Suk-yeol. Elle ne se limite pas à une question de prestige national ou de succès économique. Elle s’inscrit dans une démarche plus profonde de diplomatie culinaire, où la k‑food devient un outil de rayonnement culturel et d’influence internationale. Cet article explore comment, à travers la promotion de sa gastronomie, la Corée du Sud ambitionne de renforcer sa position sur l’échiquier mondial en faisant de sa cuisine un pilier de son soft power et un moteur de croissance économique.

Expansion mondiale de la cuisine coréenne : une vision stratégique
💡 Le soft power est un concept clé en relations internationales introduit par Joseph Nye dans les années 1990. Il s’oppose au hard power qui repose sur la coercition par contrainte militaire et économique pour influencer le comportement d’autres pays. Le soft power tire son nom de la force d’attraction de la culture, des valeurs politiques et de la politique étrangère d’un pays. Le soft power encourage les pays tiers à adopter volontairement des valeurs, des normes et des comportements venus du pays d’origine. La k‑food, la k‑pop, le k‑drama et la k‑beauty sont des outils de soft power de la Corée du Sud.
L’ambition de la Corée du Sud de faire de sa cuisine un pilier de son influence mondiale ne date pas d’hier. Depuis les Jeux Olympiques de Séoul de 1988, la k‑food a suivi une trajectoire ascendante, devenant un vecteur essentiel du soft power sud-coréen. C’était d’ailleurs le moment charnière où le kimchi (김치, accompagnement à base de chou fermenté et pimenté, reconnu par l’UNESCO) à commencer à conquérir les palais internationaux.

Les objectifs chiffrés pour la promotion de la k‑food
Aujourd’hui, le gouvernement coréen, en collaboration avec des chefs, des entrepreneurs et des influenceurs culturels, met tout en œuvre pour que la cuisine coréenne rayonne à l’international. L’objectif est clair : augmenter la taille de l’industrie mondiale de la cuisine coréenne.
Le souhait du gouvernement de Yoon Suk-yeol est d’augmenter le nombre de restaurants coréens dans le monde. Et de passer de 9 923 établissements en 2020 à 15 000 en 2027. La conséquence espérée est d’augmenter le marché mondial de la cuisine coréenne qui était de 152 000 milliards de wons (environ 105 milliards d’euros) en 2021 pour atteindre 300 000 milliards de wons (environ 208 milliards d’euros) d’ici 2027.

La formation au cœur du projet
Pour réaliser ces objectifs, le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales envisage de renforcer le professionnalisme dans l’industrie culinaire coréenne. Il prévoit notamment :
- d’offrir aux professionnels actuels l’accès à des formations initialement conçues pour les étudiants en arts culinaires ;
- d’élever le nombre de bénéficiaires de ces formations pour atteindre 600 en 2027 contre 250 actuellement.
Également, le gouvernement vise à augmenter le nombre d’établissements coréens distingués par des étoiles Michelin en passant de 31 en 2022 à 100 étoilés d’ici 2027.

Un levier de croissance économique nationale
Pour soutenir une telle stratégie économique derrière la promotion de la k‑food à l’échelle mondiale, la Corée du Sud soutiendra un développement économique du secteur de l’alimentaire et de la restauration sur le plan national. Selon les données de Mordor Intelligence, le marché des services alimentaires de Corée du Sud, évalué à 86,42 milliards de dollars américains (environ 80 milliards d’euros) en 2023, est prévu d’atteindre 107,11 milliards de dollars (environ 100 milliards d’euros) en 2028. Le taux de croissance annuel composé (TCAC) prévu est de 4,63 %.
Ces chiffres témoignent de la dynamique positive du secteur, portée par une demande croissante pour la cuisine coréenne, tant sur le plan national qu’international.

La cuisine coréenne comme outil de soft power
La montée en puissance de la cuisine coréenne sur la scène internationale dépasse largement les frontières de la gastronomie. Elle s’inscrit dans une stratégie de soft power, comme le souligne Jae Yeong Han dans son analyse Gastronomie coréenne, élément des relations internationales. La gastronomie coréenne, avec ses saveurs distinctives et sa richesse culturelle, devient un vecteur d’influence et de dialogue entre la Corée du Sud et le reste du monde.
L’analyse de Jae Yeong Han
Dans son étude, Jae Yeong Han explore comment la cuisine coréenne, élément central de l’identité nationale sud-coréenne, a été réévaluée et promue à la suite des Jeux Olympiques de Séoul en 1988. Le kimchi, symbole du patrimoine culinaire coréen, est devenu un ambassadeur gastronomique mondial, illustrant la capacité de la k‑food à transcender les frontières et à s’inscrire dans la hallyu (한류, vague coréenne). Cette dynamique confirme la cuisine coréenne comme un pilier du soft power sud-coréen, utilisant la diplomatie culinaire pour tisser des liens culturels et renforcer son influence internationale.

Renforcement de l’identité culturelle et diplomatie publique
La promotion de la cuisine coréenne à l’étranger ne se limite pas à une stratégie économique ou touristique ; elle est également un moyen efficace de renforcer l’identité culturelle coréenne. En partageant sa cuisine avec le monde, la Corée du Sud offre une fenêtre sur sa culture, ses traditions et ses valeurs, facilitant ainsi une meilleure compréhension et appréciation de son patrimoine. Cette approche contribue à une image positive du pays, renforçant son attractivité et son prestige sur la scène internationale.
La k‑food joue donc un rôle prépondérant dans la diplomatie publique de la Corée du Sud. En intégrant la cuisine coréenne dans les échanges culturels et les évènements internationaux, le pays utilise la gastronomie comme un outil de communication soft. Celle-ci permet de construire et de maintenir des relations diplomatiques positives. Cette stratégie culinaire, soutenue par des initiatives gouvernementales et des campagnes de promotion à l’étranger, illustre l’engagement de la République de Corée à utiliser sa cuisine comme un moyen de dialogue et de coopération internationale.

Développement de la cuisine coréenne pour une reconnaissance mondiale
La cuisine coréenne, en tant qu’outil de soft power, joue un rôle déterminant dans les efforts de la Corée du Sud pour renforcer son influence culturelle et diplomatique à l’échelle mondiale. À travers la k‑food, la Corée du Sud partage non seulement sa gastronomie mais aussi son histoire, sa culture et ses aspirations, contribuant ainsi à une présence plus marquée et respectée sur la scène internationale. Malgré ces efforts, des défis importants subsistent dont une concurrence internationale féroce, notamment venue de Chine et du Japon comme le souligne Jae Yeong Han. La Corée du Sud doit donc trouver des moyens innovants de se démarquer tout en respectant la tradition.
Le pays peut certainement compter sur l’engouement pour les autres soft power que sont la k‑beauty, la k‑pop et les k‑drama. Aussi, en France, les festivals coréens se multiplient et prennent de l’ampleur comme dernièrement 1 2 3 Seollal à Lille où la restauration coréenne a été prise d’assaut par les visiteurs.
Sources :
- Jae Yeong Han. (2019). « Gastronomie coréenne, élément des relations internationales ». Dans Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin 2019⁄2 n°50. UMR Sirice.
- Kim Kun-hee. (02/02/2024). « L’industrie de la cuisine coréenne dans le monde sera portée à 300.000 Mds de wons d’ici 2027 ». Agence de presse Yonhap.
- « Industrie alimentaire en Corée du Sud – Analyse de la taille et de la part – Tendances et prévisions de croissance (2023–2028) ». Consulté le 02/02/2024. Mordor Intelligence.
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