Ne dites plus kimono coréen : pourquoi ?

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Ne dites plus jamais "kimono coréen", mais hanbok !
Ne dites plus jamais "kimono coréen", mais hanbok !

Le hanbok et le kimono, tous deux dérivés d’anciens vêtements chinois, ont été adaptés aux coutumes coréennes et japonaises et sont radicalement différents. Nous sommes pourtant nombreux à parler du « kimono coréen » pour désigner les vêtements traditionnels de Corée du Sud. Mais, la longue et tumultueuse histoire qui lie la Corée au Japon et les nombreuses différences entre les deux tenues et les deux cultures sont autant de raisons de ne pas les confondre. Découvrons ensemble pourquoi vous ne devez surtout plus faire mention de « kimono coréen »

« Kimono coréen », un terme sans aucun sens ?

Origine et étymologie des mots

Le hanbok et le kimono font partie intégrante de la culture de leur pays d’origine. L’identité de ces vêtements traditionnels se démarque dès leur étymologie. En effet, le hanbok est composé des hanja* « han » (한/韓) faisant référence à la nation coréenne et « bok » (복/服) signifiant « vêtement ». Le hanbok est donc une tenue typiquement coréenne.

Le kimono, quant à lui, est composé des kanji* «  ki » (着) équivalant au verbe « porter », et «  mono » (物) désignant une « chose ». Le kimono s’inscrit ainsi, lui aussi, dans l’histoire linguistique de son pays en désignant « une chose portée »  par le peuple japonais.

💡 * Kanji en japonais et Hanja en coréen sont les noms donnés aux caractères classiques chinois utilisés dans ces pays. Ces termes signifient donc la même chose, à savoir « caractère des Han (de Chine) ».

Corée-Japon, deux cultures proches mais différentes

Le Japon et la Corée partagent de nombreuses similitudes. En effet, durant plusieurs siècles, ces deux pays ont été fortement influencés par une culture chinoise qui a voyagé jusqu’au Japon via l’ancienne Corée. Ainsi, le chinois dit classique était utilisé pour les écrits officiels aussi bien en Corée qu’au Japon jusqu’à une époque relativement récente. Aujourd’hui, on retrouve dans les deux langues, des mots issus du chinois classique et même encore les kanji dans l’écriture japonaise moderne. Et, aussi étrange que cela puisse paraître, les langues coréennes et japonaises ont beaucoup plus de points communs entre elles qu’avec la langue chinoise, grâce à une construction des phrases très proches.

Les drapeaux nationaux sud-coréens et japonais. /Photo prise le 16 mars 2023/REUTERS/Issei Kato
Les drapeaux nationaux sud-coréens et japonais (le 16 mars 2023). REUTERS/Issei Kato

Cependant, ces deux nations ont connu une évolution très indépendante du fait d’une mer de l’Est très difficilement navigable dans le passé. Ainsi, la Corée et le Japon ont progressivement développé des cultures distinctes sur tous les niveaux : linguistique, vestimentaire, architecturale, administrative, artistique, etc. Voyager dans ces deux pays offre donc des expériences radicalement différentes, à l’image de leurs civilisations.

Vous comprenez certainement mieux pourquoi parler de « kimono coréen » n’a réellement aucun sens et que l’amalgame puisse être blessant.

Les différences entre le hanbok coréen et le kimono japonais

Les origines du hanbok et du kimono

Le hanbok (한복), vêtement traditionnel coréen, et le kimono, tenue traditionnelle japonaise, sont tous deux inspirés d’anciennes tenues chinoises. En effet, l’actuelle Chine abritait jadis une importante communauté scythe qui a largement influencé les codes vestimentaires de la région chinoise entre le VIIe et le IIIe siècle avant notre ère. Petit à petit, quelques pièces ont été exportées par les nobles et les marchands des pays voisins. La Corée et le Japon ont ainsi adopté et adapté les habits scythes aux mœurs et coutumes de leur pays. 

L’adaptation des vêtements en Corée et au Japon

Les Coréens semblent avoir été les premiers à s’approprier ces vêtements, car on trouve des traces des premiers hanbok durant l’air Goguryeo (-277/+668). L’ancêtre du kimono japonais, quant à lui, trouverait son origine durant la période Nara (710–794), soit une période bien plus tardive d’environ 1 000 ans qui pourrait même sous-entendre une influence sino-coréenne au Japon. Au-delà de l’influence primaire, au fil des années, chaque pays a fait évoluer ses vêtements traditionnels dans des styles très distincts. Ainsi, les coupes, l’agencement des couleurs et l’accessoirisation diffèrent et illustrent les caractéristiques sociales et les critères de beauté propres à la Corée et au Japon.

hanbok porté par un couple coréen et kimono porté par un couple japonais
Hanbok ©goyu hanbok / Kimono ©verawaty & liebhart

Hanbok, une tenue ample et élégante

Des pièces adaptées pour chacun

Le hanbok, vêtement traditionnel coréen, était porté par toute la population sans exception. Du simple paysan jusqu’au roi, ces habits coréens étaient donc légion. Tous portaient ainsi les pièces de base :

  • veste appelée « jeogori » (저고리) longs pour les hommes et courts pour les femmes ;  
  • pantalon nommé « baji » (바지) pour les hommes ; 
  • jupe alias « chima » (치마) pour les femmes.

Les ornements, les coupes, les broderies et les accessoires étaient autant de moyens de montrer son statut social et marital. C’est pourquoi le hanbok était composé d’une multitude de vêtements aux fonctions distinctes. De plus, chaque saison, évènement ou rituel était assorti d’une tenue qui lui était propre, venant s’ajouter à la liste des pièces classiques.

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Hanbok féminin royal vu de dos
Hanbok royal ©HanllyU

Le hanbok, une tenue ample et élégante

L’habit coréen, parfois appelé à tort « kimono coréen » était pensé pour être pratique. En effet, pour les hommes la coupe des pantalons est large et les coutures faites en biais. Leurs propriétaires n’étaient donc pas gênés dans leurs mouvements, aussi bien pour le travail dans les champs que pour monter à cheval. L’élégance reposait alors surtout sur le jeogori (vestes additionnelles). 

Le vêtement traditionnel coréen pour les femmes

Le raffinement du vêtement pour les femmes, quant à lui, est essentiellement dû à la jupe. Effectivement, la chima est attachée sous la poitrine pour rejoindre délicatement le sol. Ses nombreuses fronces lui donnent beaucoup de volume et créent une silhouette gracieuse. Ce style peut être amplifié par l’ajout de divers jupons.

Le jeogori féminin est généralement agrémenté de broderies et d’accessoires comme des maedeup (nœuds traditionnels), venant sublimer la jupe. Le hanbok pour femme est ainsi très ajusté dans le haut et ample dans le bas, taillé pour créer une silhouette en forme de A.

Hanbok féminin, veste cintrée et jupe ne forme de A
©goyu hanbok
Comment bien porter un hanbok coréen

Kimono traditionnel, une pièce mixte et ajustée

Une tenue unique et modulable

Le kimono japonais traditionnel était porté aussi bien par les hommes que par les femmes. Avec des finitions différentes bien sûr. Il se compose de grandes et larges pièces de tissu rectangulaires, assemblées pour former une robe en forme de T. Conçu pour créer une silhouette longiligne, il se caractérise par sa coupe droite et ses longues manches.

Cette robe est réalisée selon des mesures standards qui en font un vêtement de taille unique, dont la longueur et la largeur s’adaptent à toutes les morphologies. Ainsi, les bords sont relevés de manière à ne pas toucher le sol et de nombreuses ceintures viennent cintrer le tissu et sécuriser sa fermeture. La rigidité du kimono japonais tranche alors radicalement avec la souplesse du hanbok coréen.

Kimono japonais féminin
©Japa-mania

Le kimono japonais, un vêtement rigide et luxueux

Le port du kimono est considéré comme un art et répond à des règles très précises (comme le hanbok vous me direz). Ainsi, les étapes de l’habillement telles que l’ajustement des différentes pièces ou la manière de plier le tissu, requièrent un savoir-faire particulier et demandent souvent l’assistance d’une tierce personne. Par ailleurs, sa rigidité oblige son propriétaire à une certaine retenue dans ses mouvements. C’est d’autant plus vrai pour le kimono féminin ceinturé d’un épais « obi » qui forme une sorte de corset. Celui-ci est systématiquement agrémenté d’un large nœud dans le dos qui restreint davantage la mobilité. Auparavant, porter un kimono traditionnel complet était donc synonyme de richesse et de raffinement. 

Kimono féminin et obi vu de dos
Kimono féminin vu de dos ©Wikipedia
Comment bien porter un kimono japonais

Pourquoi vous ne devrez plus dire kimono coréen ?

Le respect des différences culturelles et historiques

Il est essentiel de savoir différencier le hanbok coréen du kimono japonais. En effet, ces vêtements traditionnels découlent de plusieurs siècles d’histoire, d’adaptation et d’évolution. Ils reflètent la culture et l’identité de leur pays d’origine et sont une fierté nationale. Parler du « kimono coréen » pour faire mention du hanbok peut ainsi blesser les Coréens qui vivent en France, ou ailleurs. Par ailleurs, les nombreux différends diplomatiques et les séquelles laissées par la colonisation, sont autant de raisons supplémentaires d’éviter les amalgames. Ainsi, utiliser un terme japonais pour décrire un vêtement coréen peut être source d’incompréhension, voire de mésentente.  

Les relations diplomatiques souvent tendues

Les relations diplomatiques entre la Corée et le Japon sont souvent tendues. En effet, la colonisation japonaise a profondément marqué les esprits et a laissé des cicatrices qui tardent à se refermer. Effectivement, durant les 35 années d’occupation, l’empire nippon a :

  • piétiné et tenté d’éradiquer la culture et la langue coréenne ;
  • envoyé de force des milliers de Coréens dans des entreprises japonaises pour des tâches dangereuses ; 
  • utilisé des centaines de milliers de jeunes coréennes comme esclaves sexuelles (terme plus juste que l’euphémisme « femmes de réconfort »). 

Ces épisodes continuent de hanter les relations coréano-japonaises depuis la fin du XXe siècle. Par ailleurs, la dispute territoriale autour des îles Dokdo (appelés Takeshima par le Japon) et les hommages régulièrement rendus à des criminels de guerre à Yasukuni ravivent constamment les tensions. Ces symboles des désaccords historiques non résolus cristallisent ainsi des décennies de ressentiment. Si bien que chaque avancée dans le rapprochement des deux pays génère des tensions nationales. Et elles risquent de perdurer tant que le Japon n’aura pas explicitement et totalement reconnu ses torts et que la Corée n’aura pas tourné la page. 

Rencontre du Premier ministre japonais Fumio Kishida et du Président coréen Yoon Suk-yeol à Séoul
Rencontre du Premier ministre japonais Fumio Kishida et du Président coréen Yoon Suk-yeol à Séoul ©Cnews

Le kimono n’est pas coréen !

Les relations entre la Corée et le Japon sont le résultat d’une longue et complexe histoire. Même si de nombreux échanges leur ont fourni quelques bases communes, ces deux pays ont évolué différemment et ont développé leur propre culture. Les vêtements traditionnels en sont un parfait exemple. En effet, le hanbok et le kimono retracent des siècles d’histoire et sont devenus une véritable source de fierté nationale dans leurs pays respectifs. Compte tenu des nombreux points de discorde qu’accumulent la Corée et le Japon, confondre un de leurs symboles nationaux est assez risqué et pourrait provoquer quelques réactions négatives. C’est pourquoi, nous vous conseillons de ne plus dire « kimono coréen » pour parler du hanbok. 😉

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Sources consultées en octobre 2023

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